Recherche Génétique : Docteur Anne JOUTEL
Le Dr Anne JOUTEL, travaillant dans le laboratoire de recherche génétique du Professeur Elisabeth TOURNIER-LASSERVE, expose la situation des connaissances génétiques et l'avancement des recherches :
- Panorama des connaissances et recherches génétiques sur CADASIL :
Le gène Notch 3 sur le chromosome 19 a été identifié en 1996 ce qui a permis de découvrir la protéine mutée.
- La stratégie a ensuite été de comprendre les raisons des effets des mutations. Il a été constaté que cette protéine est exprimée exclusivement dans les parois des vaisseaux.
- La question à résoudre est la suivante : pourquoi les cellules des vaisseaux s'abîment-elles quand le gène Notch3 est modifié, occasionnant une mauvaise irrigation de certaines zones du cerveau ? Si on comprend ce qui se passe à l'échelle de la protéine et de la cellule ainsi que du vaisseau, alors une stratégie thérapeutique préventive pourrait être élaborée. Pour répondre à cette question, deux approches ont été mises en place :
- recherches sur les cellules avec la protéine mutée en comparaison de cellules avec la protéine normale.
- génération de modèles animaux (souris) ayant les mêmes lésions, afin de comprendre ce qui ne fonctionne pas bien dans les petits vaisseaux et de pouvoir tester des hypothèses de traitements.
Principaux résultats de l'année :
Cette protéine fonctionne comme une « serrure », un récepteur. Si celle-ci ne fonctionne pas correctement : il faut trouver un moyen pour activer la serrure malgré cela. Les études sur le modèle animal de quelques mutations montrent que la « clé » est correcte, mais pas la « serrure ».
Les souris avec le gène muté, élevées en laboratoire, présentent les lésions cérébrales, caractéristiques de CADASIL, identiques à celles observées chez les humains, avec une accumulation de protéines dans la paroi des petits vaisseaux. Mais elles présentent ces anomalies trop tard dans leur existence pour permettre aujourd'hui de tester des traitements rapidement. On travaille actuellement à la génération de souris qui développeraient les mêmes lésions plus rapidement, 2 ou 3 mois après leur naissance (au lieu de 18 mois actuellement). Ces souris sont très importantes pour comprendre ce qui se passe, en particulier si :
- l'accumulation de protéine est responsable des lésions et dans ce cas, il faudrait chercher des solutions pour détruire ces dépôts
- c'est plutôt le récepteur de la protéine qui doit être protégé. En effet, on a constaté sur ces animaux que des lésions cérébrales surviennent avant l'apparition des accumulations dans la paroi des petits vaisseaux qui irriguent le cerveau. Il semble que ce soit la « piste » la plus importante et il est donc essentiel d'étudier le fonctionnement de la contraction des vaisseaux.
Des travaux sont également effectués pour étudier le fonctionnement des vaisseaux, leur contraction.
L'observation des souris met en évidence la progression des lésions. La première chose perturbée est l'armature, le squelette, des cellules (celles de la paroi des vaisseaux).
Informations complémentaires :
il existe environ 200 mutations différentes sur le gène Notch 3, identifiées dans le monde, à l'origine de CADASIL.
Des souris avaient été obtenues sans le gène Notch 3 : il a été observé que l'armature des cellules était très anormale. Ce gène a donc un rôle dans le fonctionnement de cette armature.
Le laboratoire de génétique des Docteur JOUTEL et Professeur TOURNIER-LASSERVE réunit de nombreuses compétences, dont un physiologiste, des étudiants, des techniciens. Cette équipe collabore avec un réseau de neuropathologistes en France et à l'étranger (Lille, Caen, Belgique) et avec d'autres équipes de Recherche dans d'autres pays, notamment une à Berlin et une américaine (en Californie), qui avait développé les souris sans le gène Notch 3. Les résultats du Dr DICHGANS, en Allemagne, vont dans le même sens que ceux des Français.
Professeur Hugues CHABRIAT
Le Professeur CHABRIAT expose l'avancement de l'étude de suivi des patients atteints de CADASIL.
L'objectif de cette étude est de :
- Collecter des données sur les aspects cliniques, en suivant ce groupe avec les mêmes méthodes, afin de mieux évaluer les symptômes.
- Collecter des données sur les images IRM de personnes présentant la maladie à différents stades, en suivant l'évolution des images de chaque patient.
- Réunir autour de cette étude les médecins et chercheurs impliqués dans la maladie
- Déterminer les paramètres pour tester l'efficacité des futurs traitements.
En effet, si on retenait par exemple un critère comme la fréquence des Accidents Vasculaires Cérébraux, il faudrait tester un traitement sur plusieurs centaines de personnes pendant une longue période pour juger de l'efficacité d'un traitement. Ce serait aussi très complexe de mesurer l'effet d'un médicament si on mesurait son effet sur la mémoire, les capacités d'attention… Par contre, les données IRM pourraient permettre cette mesure. L'étude de suivi des 200 patients est très importante pour établir la méthode et les critères. Pour recruter les 200 participants, des contacts ont été pris avec les spécialistes des AVC et un « mailing » a été adressé à 680 neurologues français. L'équipe de Recherche compte cependant beaucoup plus sur la mobilisation des familles.
Le budget de cette étude permet de financer les examens prévus pour suivre deux cents patients pendant 3 ans. Ce nombre est loin d'être atteint. Les personnes sachant qu'elles ont le gène muté sont invitées à participer à cette étude : elles peuvent se renseigner en contactant Jocelyne RUFFIE, à l'hôpital Lariboisière (numéro de téléphone 01.49.95.25.95). Son rôle est de communiquer avec les familles et d'organiser des rendez-vous. Elle est assistée d'une secrétaire chargée des courriers avec les médecins-traitants et du secrétariat de ce protocole (toutes deux sont présentes au cours de cette Assemblée Générale).
Les examens réalisés dans le cadre de cette étude sont organisés par le service de neurologie du Professeur Marie-Germaine BOUSSER. Ils sont réalisés en collaboration avec l'Unité de Recherche Clinique de l'hôpital, dont la mission est de vérifier que tous les participants à l'étude passent bien les mêmes examens, dans les mêmes conditions, de façon conforme au projet. Le responsable de ce suivi participe également à l'Assemblée Générale.
L'étude comporte aussi une évaluation psychologique (examens cognitifs, tests de mémoire et concentration), réalisée par la psychologue du service Neurologie à l'hôpital Lariboisière, Madame Annie KURTZ et ses deux collaboratrices, toutes trois présentes à l'Assemblée Générale.
A la suite de chacun des rendez-vous pour les examens initiaux (IRM, neurologie, mémoire-attention-concentration, prélèvements sanguins, doppler), puis de suivi semestriel et après 3 ans, les résultats (biologiques, cliniques, IRM) sont communiqués aux médecins généralistes qui suivent chaque personne. Si les prélèvements sanguins montrent d'autres facteurs de risques, comme le cholestérol, des traitements correcteurs sont prescrits. Les consultations semestrielles vont permettre de vérifier les informations collectées initialement, de suivre la survenue de nouveaux événements et l'évolution des mesures.
Le Professeur CHABRIAT est convaincu que la recherche de traitement pour CADASIL peut avoir un impact pour d'autres maladies vasculaires et concerner encore un plus grand nombre de malades. A ce titre, il nous annonce que des contacts sont actuellement établis avec certains laboratoires pharmaceutiques pour évaluer l'intérêt de nouveaux traitements symptomatiques de la maladie.
Pour participer à l'étude de suivi, les personnes doivent avoir auparavant eu un diagnostic de CADASIL par test génétique ou biopsie cutanée positive.
Rappels sur la démarche de demande de test génétique auprès de l'équipe du Professeur BOUSSER, pour une personne ne présentant pas de symptômes :
- La personne dont le père ou la mère a CADASIL et a risque de porter le gène de la maladie doit avoir d'abord une triple consultation avec un neurologue, un généticien et un psychologue.
- Un délai de réflexion de 2 à 3 mois est ensuite laissé avant de réaliser le prélèvement sanguin.
- Lorsque celui-ci est fait, puis analysé : un délai est encore accordé pour l'obtention des résultats. Il reste aussi possible de ne pas venir chercher les résultats du test génétique qui a été réalisé.
L'étude de suivi réalisée en France a lieu de la même manière en Allemagne (Dr DICHGANS, à Münich).
DEBAT – QUESTIONS/REPONSES
Des traitements préventifs peuvent-ils être conseillés à un porteur du gène ayant déjà présenté des symptômes ?
Réponses des professeurs Marie-Germaine BOUSSER et Hugues CHABRIAT :
Il n'y a pas assez de personnes connues et suivies dans un même service pour répondre précisément à cette question et il n'y a pas d'argument scientifique pour préconiser un traitement préventif. On peut cependant conseiller à une personne ayant eu un AVC transitoire de prendre régulièrement de l'aspirine. En effet, pour retarder l'apparition de symptômes : comme il s'agit d'une maladie vasculaire où les vaisseaux ont une faible tendance à saigner, il peut être logique de penser que l'aspirine pourrait avoir un impact plutôt favorable, en favorisant l'irrigation, sans risques hémorragiques.
Quelles sont les pistes pour le futur afin d'améliorer la circulation cérébrale ?
Nous pourrions par exemple envisager d'améliorer la perfusion du cerveau en utilisant un médicament vasodilatateur mais ne modifiant pas les chiffres de tension artérielle.
Rappels sur les symptômes :
Deux personnes présentant la même mutation n'auront pas obligatoirement les mêmes symptômes, ni la même évolution, ni au même moment.
On peut être porteur du gène sans avoir de symptômes de la maladie, jusqu'à un âge avancé.
Principaux symptômes :
- Les crises de migraine avec aura, apparaissant à 30 ou 40 ans (la migraine traditionnelle apparaît plus tôt). L'aura se manifeste par des picotements, les flashes lumineux qui évoluent sur plusieurs minutes.
- AVC transitoires ou constitués (3 personnes atteintes de CADASIL sur 4)
- Problèmes de concentration et de mémoire.
- Dépression et ralentissement intellectuel.
- Crises d'épilepsie. ♦