Durant cette Assemblée Générale, nous avons bénéficié de la présence et des explications des Professeurs BOUSSER et CHABRIAT, de Madame JOUTEL -de l'équipe du Professeur TOURNIER-LASSERVE- , et de deux psychologues du service neurologie à l'hôpital Lariboisière qui sont impliquées dans la réalisation des protocoles, ainsi que de Mme Jocelyne RUFFIE, fidèle assistante du Professeur BOUSSER, très connue des participants aux études réalisées à l'hôpital Lariboisière.
Cet exposé est introduit par le Professeur Marie-Germaine BOUSSER : l'équipe du Professeur TOURNIER-LASSERVE, dont fait partie Mme JOUTEL, a fait des progrès dans la connaissance des mécanismes de la maladie. L'impact de la maladie est mieux connu, on sait désormais que pendant un certain temps une réversibilité est possible. Il y a maintenant des pistes pour retarder le processus d'évolution. Des essais sur l'animal sont envisagés.
Mme JOUTEL :
Les explorations ont permis de réaliser deux pas qui donnent de l'espoir, on commence à avoir des pistes et idées pour une première stratégie.
- Premier « fil » : il s'est agit de regarder où est exprimé le récepteur Notch3 (dont le gène présente l'anomalie génétique à l'origine de CADASIL). Dans les tissus normaux, ce récepteur n'est exprimé que dans les cellules lisses de la paroi des vaisseaux.
- Donc : pourquoi ce récepteur muté conduit-il aux symptômes de CADASIL ?
- Pour répondre à cette question, des souris ont été conçues avec cette anomalie : elles ont présenté les mêmes lésions.
- Deuxième « fil » : il a été constaté sur ces souris que dans la maladie CADASIL, avant la dégénérescence des cellules, il y avait une altération des structures de ces cellules de la paroi des vaisseaux.
D'autres souris ont été conçues, sans le gène Notch3 normal : ceci a montré le rôle crucial de cette protéine dans la fonction des vaisseaux.
Cette protéine est donc essentielle. L'hypothèse est que lorsque ce récepteur est muté, la structure de la cellule des parois de vaisseaux et son fonctionnement sont perturbés avant d'être totalement dégradés. La raison des AVC (Accidents Vasculaires Cérébraux) est que les vaisseaux fonctionnent mal mais ne sont pas bouchés.
Ceci a été étudié sur des souris de laboratoire : lorsqu'elles présentent la mutation, la capacité des vaisseaux cérébraux à se vaso dilater, se contracter, est altérée, l'auto régulation du débit cérébral est pénalisée.
Quand on élève la pression sanguine, les vaisseaux ne se contractent pas assez, quand on baisse la pression, ils ne se dilatent pas assez, le cerveau est donc mal irrigué.
Normalement, si la pression est trop élevée : le vaisseau se contracte pour freiner le sang, si la pression est trop basse, le vaisseau se dilate. Le problème lorsque le gène Notch 3 a la mutation CADASIL est que les vaisseaux fonctionnent moins bien et contrôlent moins bien le débit sanguin cérébral. A l'échelle du cerveau, ceci est important.
Un chercheur travaillant à Angers, Daniel ORION, a fait une étude sur le mécanisme des vaisseaux et a démontré que leur fonction primordiale est leur capacité à se contracter.
La piste qui va être testée est la recherche de moyens pour moduler la pression artérielle. Il faut un nouvel outil. Sur des souris avec des lésions artérielles et développant des symptômes, il va être recherché comment retarder les symptômes et leur évolution.
L'équipe du Professeur TOURNIER-LASSERVE dispose de spécialistes très qualifiés mais a besoin du financement d'un poste de post-doctorant, qui a un statut actuellement très précaire après un retour des Etats Unis où il a participé à la conception des modèles de souris sans Notch3.
De nombreuses tâches doivent être réalisées pour approfondir cette étude, il faut également prendre des contacts avec l'industrie pharmaceutique pour envisager le test de certains traitements.
Conclusion du Professeur Marie-Germaine BOUSSER :
Ces observations donnent de l'espoir. Ceci n'a rien à voir avec la maladie d'Alzheimer, où ce sont les neurones qui sont atteints. Nous sommes au début du processus selon lequel on pourrait envisager d'agir sur la pression artérielle. Il est trop tôt pour l'appliquer, il pourrait être dangereux de prendre des mesures non encore évaluées, il faut être prudents pour l'instant. Mais cette voie est sérieuse, elle a été prouvée également par une étude sur la circulation cutanée réalisée par le Professeur CHABRIAT. Il faut trouver des marqueurs permettant de mesurer les dérèglements de la contractilité des vaisseaux.
Exposé sur les études cliniques : Professeur HUGUES CHABRIAT
Deux études cliniques sont en cours.
L'objectif du protocole d'étude de CADASIL, débuté il y a un an et demi, est de mieux connaître l'évolution de la maladie au niveau individuel et de se préparer à des essais thérapeutiques.
A ce jour, 122 patients sont inclus dans ce protocole pour collecter un maximum d'informations fiables sur les signes cliniques et aspects observés en imagerie ainsi que pour mieux connaître l'évolutivité et les signes utiles pour mesurer l'impact de futurs traitements. Le Professeur CHABRIAT les remercie pour leur participation, essentielle pour les progrès de la Recherche. Près de 30 d'entre eux sont suivis depuis un an et demi. La collecte d'informations cliniques sur les capacités cognitives et par des images IRM avec des séquences particulières est donc déjà conséquente. Les IRM sont analysées informatiquement par une société de Lyon, elles mettent en évidence toutes les plages avec anomalies et aident à mesurer les petits infarctus. L'IRM permettra de mesurer le degré de perte réelle sous la substance blanche (car la taille des lésions n'est pas significative de la gravité des symptômes), ainsi que l'efficacité des traitements et le nombre de patients à suivre pour mesurer l'efficacité d'un traitement futur.
Les personnes ayant un diagnostic génétique positif sont invitées à participer à cette étude : elles peuvent se renseigner en contactant Mme Jocelyne RUFFIE, à l'hôpital Lariboisière (numéro de téléphone 01.49.95.25.95). Son rôle dans cette recherche est de communiquer avec les familles et d'organiser des rendez-vous.
L'étude de suivi réalisée en France a lieu de façon parallèle en Allemagne (Dr DICHGANS, à Munich, qui collabore régulièrement avec le professeur CHABRIAT). Dans un an, de nombreuses données seront disponibles sur CADASIL grâce à cette étude.
Essai thérapeutique
La filiale américaine du laboratoire EISAI finance le test d'un traitement symptomatique (ARICEPT, utilisé dans la maladie d'Alzheimer). Ce test débute actuellement.
Au niveau du cortex cérébral, des substances neuro-médiatrices font fonctionner les neurones. Elles chutent durant les dépressions.
Un neurotransmetteur, l'acétylcholine, baisse pendant la maladie d'Alzheimer. Cette substance est « l'essence » des neurones. Le traitement ARICEPT est utilisé dans cette pathologie, à un stade où le déficit de mémoire est déjà très fort.
Lors de petits AVC provoqués par CADASIL, les lésions peuvent atteindre les neurones avec acétylcholine du cortex.
Le test thérapeutique avec le laboratoire ARICEPT a pour but de diminuer la dégradation de cette substance et donc de limiter les symptômes cognitifs, de l'attention, de la concentration ainsi que la fatigabilité.
Pour EISAI, il s'agit de prouver l'efficacité de ce traitement en dehors de la maladie d'Alzheimer en travaillant sur une maladie purement vasculaire.
150 patients vont participer à cette étude au niveau mondial, dont environ 40 seront suivis par l'hôpital Lariboisière. Cet essai va durer 18 semaines. Il s'agit d'une partie des personnes participant au protocole ci-dessus et qui seront sollicitées par l'équipe du Professeur CHABRIAT car leur profil correspond à ceux nécessaires à l'étude.
Un premier rendez-vous sera consacré à l'évaluation par des examens cliniques, tests, prélèvements sanguins, IRM…
Les conditions de participation seront précisées : une première convocation 15 jours après confirmera si la personne participe au test, elle recevra le traitement (ARICEPT ou placebo ou traitement en double aveugle : ni le médecin ni le patient ne savent si le médicament est donné ou si c'est un placebo) durant 18 semaines. Il y aura un suivi toutes les six semaines, avec des examens de contrôle et une évaluation finale afin de déterminer l'impact du traitement. Le patient devra être accompagné pour tous ces déplacements, par la même personne.
On peut faire un lien avec l'étude présentée par Mme JOUTEL : si les vaisseaux provoquent une mauvaise irrigation, les neurones sont mal alimentés et fonctionnent mal, il y a un défaut d'acétylcholine.
Si les vaisseaux fonctionnent mal, ils alimentent mal les neurones en oxygène, indispensable pour qu'ils vivent. Les fibres avec acétylcholine passent dans la substance blanche, où on observe à l'IRM les lésions de CADASIL.
Questions – Réponses
« Comment occuper une personne atteinte de CADASIL qui présente des troubles cognitifs ? »
Brigitte LEREBOURG et Yves DE SARS : essayer de faire participer la personne à un groupe où elle ne se sentira pas inférieure. Le contact avec des personnes atteintes de maladie d'Alzheimer n'est pas adapté. Il faut entretenir les relations, car sinon le malade a un sentiment de « coulage ». Il faut agir avant qu'il y ait de grosses difficultés, apprendre quand on en est capable, être attentif à l'intégration, une stimulation permanente est nécessaire, il faut lutter contre l'isolement, maintenir les contacts avec les enfants, respecter la fatigabilité, rassurer, tenir compte de l'attention diminuée.
« Sur un forum internet auquel participent de nombreuses personnes atteintes de CADASIL, et leur proches (anglais, américains, etc) il est question de traitements. Qu'en pensez-vous ? »
Professeur BOUSSER : Ces traitements sont farfelus, leur efficacité et les risques n'ont pas été prouvés scientifiquement.
« L'aspirine est-elle pertinente ? »
Professeur BOUSSER : l'aspirine semble plutôt conseillée, sauf si le patient y est allergique ou a un ulcère de l'estomac. Il s'agit d'un antiplaquettaire (il y en a d'autres, qui sont moins efficaces). Les antiplaquettaires évitent le risque de caillots dans les artères où le flux est rapide. Aux Etats Unis, certains patients reçoivent des anticoagulants, ils concernent les vaisseaux ayant moins de débit (cas des phlébites). Selon des données récentes, ceci est ni recommandé ni justifié sauf si le patient à des troubles du rythme cardiaque.
« Y a t'il des possibilités de rémission ? »
Professeur BOUSSER : s'il existe une lésion dans le cerveau, elle ne peut pas disparaître. Mais il y a une capacité de récupération, d'autres circuits peuvent compenser, prendre le relais, ce qui est stimulé par la rééducation. Cependant, la capacité de récupération diminue progressivement. Des études sont nécessaires pour analyser si la localisation des lésions dans la substance blanche du cerveau peut expliquer les symptômes.
« Est-il possible d'avoir une carte afin d'informer les urgentistes en cas d'AVC ou crise d'hémiplégie ? »
Professeur BOUSSER : Non, il faut un examen neurologique lors d'une intervention urgente car un AVC, une hémiplégie, peuvent être provoqués par un facteur autre que CADASIL (crise d'épilepsie, par exemple). Il faut un diagnostic par un examen pour un jugement sur l'accident, on ne peut pas anticiper. Lors d'une atteinte hémiplégique, il faut questionner : y a t'il eu des picotements, une perte de vision… il peut s'agir d'une migraine avec aura et de troubles transitoires. Tous les médecins du service neurologie à l'hôpital Lariboisière connaissent CADASIL. 24H sur 24, contacter le standard au 01.49.95.65.65, poste 5148 et sinon : 01.49.95.65.12 (salle d'accueil urgences AVC).
« Y a t'il des conseils d'hygiène et d'alimentation ? »
Professeur BOUSSER : il faut simplement une vie équilibrée et éviter les excès, ne pas fumer, lutter contre l'hypercholestérolémie.
« Des piqûres de vitamine B12 sont-elles justifiées ? »
Professeur BOUSSER : Non. Il n'y a aucune preuve solide permettant de justifier cela. Il n'est pas bon de manquer de cette vitamine, mais pas normal d'en avoir trop, bien qu'un surdosage ne semble pas créer de risque. L'effet placebo peut faire croire à une efficacité, les urgences migraine le constatent dans 60 % des cas.
« Y a t'il un lien entre migraine et CADASIL ? »
Professeur BOUSSER : un tiers des patients atteints de CADASIL ont des crises de migraine. Dans la population globale, le taux est de 12%, et 5% pour les migraines avec aura. Une hypothèse est le fait que les vaisseaux anormaux, qui se contractent et se dilatent mal, pourraient provoquer plus de migraines. Les migraines avec aura des personnes atteintes de CADASIL sont identiques aux migraines avec aura des autres personnes. Dans l'évolution de la maladie, lorsque les cellules lisses de la paroi des vaisseaux sont dégénérées et ont dépassé le stade de l'altération, donc plus tardivement, les migraines deviennent plus rares, car les vaisseaux se bouchent. Les personnes atteintes de CADASIL qui ont une crise de migraine avec aura avec signes neurologiques doivent consulter les services d'urgence. ♦